Le square d’en bas
un projet de hassan darsi
en collaboration avec la source du lion
Novembre 2014 - Octobre 2017
Créer une œuvre pour mettre en perspective des questionnements citoyens et utiliser l’art comme catalyseur de réflexions, telle est la philosophie qui jalonne le travail de Hassan Darsi. Investissant des territoires de vie, l’artiste, fondateur de l’association La Source du Lion, traduit ses préoccupations éthiques et sociales dans son œuvre, appelant ainsi celui qui la regarde à être acteur de son propre quotidien dans l’espace public.
En 2002, sa maquette du parc de l’Hermitage, acquise par le Centre Pompidou à Paris en 2012 est un constat de l’état d’abandon auquel était livré alors l’un des trop rare espace vert casablancais. En 2005, l’artiste réalise une maquette du globe Zevaco recouverte de dorures, un hommage à l’architecte et un appel à ne pas oublier ce monument du cœur de la ville, point de jonction entre l’ancienne médina et le Casablanca moderne.
Utilisant les projets de maquette comme autant de déclencheurs de prise de conscience, Hassan Darsi s'est penché cette fois-ci sur le sort de Legal Frères et Cie, bâtiment sis avenue Mers Sultan, que surplombait l’Atelier de La Source du Lion. Ancienne usine de transformation du bois fondée en 1921, la Maison Légal Frères et Cie, témoin d’une période emblématique de l’histoire du Maroc et révélant des pratiques architecturales et industrielles propres à cette histoire, est ensuite laissée à l’abandon depuis sa fermeture en 1932. La bâtisse, déserte et tombant en désuétude, était restée depuis, interdite d’accès au public. Passants casablancais, étrangers et riverains, la côtoyaient, la questionnaient, l’ignoraient ou l’oubliaient. De l’Atelier de la Source du Lion, au sixième étage de l’immeuble d’en face, Hassan Darsi voyait tous les jours depuis 6 années cet étrange et étonnant bâtiment, érigé tel un bout de l’histoire contemporaine des Casablancais. En le reconstruisant en maquette à échelle de 1/50ème, avec la participation de l’autre, Casablancais ou visiteur, il a ouvert les portes du possible : nouvelle histoire, nouvelle forme et nouveaux questionnements. La maquette de Legal frères et Cie, regardée au détail et posée au cœur de collaborations artistiques et d’échanges avec les citoyens, a comme philosophie la nécessité de réfléchir ensemble les réalités sociales et urbaines qu’on ne prend pas le temps de regarder.
(Le projet a été financé par AFAK, Moussem Festival, La fondation Tamaas,
L’École de Littérature, la Source du Lion et Hassan Darsi).
Vis-à-vis
Il y a la ville, Casablanca...
Il y a son architecture, un savant mélange de genres qui frise parfois le chaotique. Il y a ses vides, ses trop pleins, ses manques... Et puis, il y a ses espaces abandonnés, oubliés depuis si longtemps parfois qu’on n’en sait rien ou plus grand chose... Ni à qui ils appartiennent, ni ce qu’ils ont été... Et encore moins ce qu’ils deviendront... Et d’ailleurs, qui s’en inquiète ? A part quelques promoteurs immobiliers... Finalement, ce ce qui reste à faire avec ces espaces oubliés, c’est rêver, imaginer ce qu’ils pourraient devenir, tirer des plans sur la comète...
C’est arrivé quand nous nous sommes installés au 113 de l’avenue Mers Sultan. Nous avons plongé dans la vue que nous o rait le 6ème étage et nous nous sommes pris le regard dans un bâtiment abandonné... Le processus c’est amorcé assez vite... Un peu comme un enfant qui lève les yeux vers le ciel pour regarder passer un avion et qui se dit qu’il aimerait bien, un jour, piloter cet appareil... Sauf que pour nous c’est un peu l’inverse, nous avons baissé les yeux sur l’objet de nos futures utopies... Un écrin pour l’imaginaire bien délabré certes mais tellement incontournable de là où nous sommes... Comment ne pas le voir, comment ne pas le regarder, comment l’éviter du regard ? Comment ne pas vouloir le temps d’une promenade aérienne devenir un de ces nombreux pigeons qui ont le privilège d’y accéder librement par ses ouvertures béantes ? Ou peut être un des chats du quartier qui en font leur refuge...
On ne sait pas vraiment pourquoi, mais il y a des espaces qui ne laissent pas indifférents... C’est peut-être ce qu’ils ont été, leur histoire... Ce qu’on y projette... Ou les deux... En tous cas, l’ancienne fabrique Legal, Frères et Cie est de ceux-là, de ces espaces qui ont une âme.
(Florence Renault)
Fin mars 2015, le chantier de la maquette est déjà bien avancé. Des artistes de divers pays et de multiples disciplines s’apprêtent à nous rejoindre pour apporter leur contribution aux désirs activés par le projet Le square d’en bas... Médias, étudiants et société civile se succèdent depuis des semaines pour découvrir Le square d’en bas, échanger... Des énergies porteuses d’espoir pour mettre en n en perspective des questionnements citoyens autour du patrimoine architectural de la ville.
Samedi 29 mars, 9 heures du matin, le rugissement d’un bulldozer, écroulant en grands fracas pierres et béton, me surprend alors que je m’apprête à finaliser une des façades du bâtiment sur la maquette... La démolition du bâtiment à commencé... Le temps d’activer les contacts idoines par quelques appels téléphoniques, le bâtiment central se retrouve amputé de moitié, les entrailles offertes aux regards... Puis, le bruit cesse... La démolition entreprise par le promoteur immobilier propriétaire des lieux s’est amorcée sans autorisation, en toute illégalité.
Il ne reste aujourd’hui du modèle original de la maquette qu’une demie-ruine, témoin impuissant du peu d’intérêt porté à notre histoire et notre patrimoine... La maquette et quelques images, restent aujourd’hui les seuls témoins du bâtiment dans son intégrité, témoins d’un naufrage et des réalités politiques et urbaines de Casablanca.
(Hassan Darsi)
Le bâtiment legal frères et cie/primarios
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le chantier de la maquette
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la maquette
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la démolition du bâtiment (mars 2015 - Août 2017)
La démolition reprendra en mars 2017
pour achever la demie-ruine subsistant,
en sursis depuis deux ans...
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